Mauritanie: rencontre avec Souleymane Sidibé, jeune auteur de « La Poésie démeurt »

Article : Mauritanie: rencontre avec Souleymane Sidibé, jeune auteur de « La Poésie démeurt »
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20 octobre 2021

Mauritanie: rencontre avec Souleymane Sidibé, jeune auteur de « La Poésie démeurt »

Nous parlons littérature aujourd’hui, avec le jeune auteur Souleymane Sidibé, un amoureux des mots, étudiant à la faculté de Bordeaux. Un militant associatif qui se définit aussi comme un analyste politique. Nous l’avons interrogé à propos de la parution de son premier recueil de poème intitulé La poésie demeure dont la dédicace en Mauritanie est programmée pour bientôt. En attendant, nous lui avons tendu notre micro.

Blog Reine d’Afrique : Présentez-vous à nos lecteurs d’ici & d’ailleurs ?

 Je m’appelle Souleymane Sidibé. Je suis né à Nouakchott à Sebkha, le 4 novembre 1997. J’ai fait l’école primaire à Dioukhamadya, ensuite je suis allé au Petit Centre à partir de la 5ème (2ème année collège). Arrivé en 1ère (6e année collège), j’ai été au Sahel où j’ai fait – disons mon Alma mater- entre la 1ère et la Terminale. J’ai grandi à la Socogim K.

Après mon baccalauréat passé au Lycée Français de Nouakchott (LFTM), je suis allé pour poursuivre mes études à l’Université de Bordeaux à la Faculté de Médecine et de Pharmacie. J’ai passé deux années à essayer de joindre les deux bouts face à la cruauté de l’existence, de l’aventure. Deux choses me guident : la volonté et le courage de ne jamais abandonner. Me voilà dans ce cisaillement de vent étudiant à l’Université de Bordeaux. Avec quelques « expériences » dans divers domaines. Je m’épanouis dans l’enseignement dans la biologie à la Faculté de Sciences, Technologies et Santé. Je suis parallèlement à mes études – assez atypiques- militant associatif (SOS Racisme Bordeaux, etc.), jeune travailleur et analyste politique dans un Think Tank basé à Bordeaux.  

Comment êtes-vous arriver à la poésie ?  

  J’ai toujours été un amoureux des mots, du beau. La poésie, c’est des mots et de la beauté. C’est, pour répéter le propos de Oumar Ball, ce qui est agréable au cœur et à l’oreille. Peut-être le petit Solo (diminutif de Souleymane que m’a donné ma grand-mère Diara Camara) a grandi avec une sensibilité face à l’expression et un faible pour l’art oratoire. Dans mon cursus scolaire, j’ai étudié et récité par cœur des poèmes. Le premier est celui de Birago Diop, LE SOUFFLE DES ANCÊTRES (Extrait du recueil LEURRES ET LUEURS).  « Écoute plus souvent    Écoute plus souvent    Les choses que les êtres,    La voix du feu s’entend,    Entends la voix de l’eau.    Écoute dans le vent    Le buisson en sanglot :    C’est le souffle des ancêtres. »  – Je récite par cœur ces vers. Ce sont des merveilles de la poésie africaine. C’est dans le programme mauritanien que je les ai appris en CM2 (6ème année primaire comme l’on appelle la classe). J’ai par la suite découvert que mon père était un grand lecteur.

Il me parlait souvent de la littérature africaine francophone. Je suis allé fouiller dans ses anciens documents et livres. Un coup de cœur : Le cœur rompu aux océans du poète tunisien Tahar Békri m’a séduit. Depuis lors, je lisais des textes, des poèmes… Le petit qui était programmé pour faire un baccalauréat C selon le vœu de son père se retrouve dans le programme français à vouloir doubler d’effort dans les lettres que sciences compte tenu du niveau de ses camarades. Aussi dans le programme français, nous étudions des poèmes de Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou, des poèmes de Baudelaire, à travers son recueil Les Fleurs du Mal, Victor Hugo, Georges Sand, Alfred de Musset, Aimé Césaire, l’un des chantres de la négritude, etc., des grandes figures de la littérature française, les mouvements littéraires, tutti quanti. Et la poésie comme l’Absurde (le genre littéraire dans l’argumentation) retenait mon attention. Ma prof madame Ly au Sahel m’appelait souvent « le grand maître poétique ».

Je commençais à adopter un style littéraire très poussé pour mon âge. Ces propos me faisaient sourire. Avec madame Ly, nous avions étudié la langue et ses « codifications », la poésie-merveille (poèmes de la littérature française) à l’exemple de Pierre de Marbeuf, Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage. Je ne puis aussi oublier monsieur Dah Mohamed qui nous avait donné les rudiments nécessaires… Ainsi – si je peux me permettre -, la poésie est venue vers moi. Elle a heurté ma sensibilité.   

Quelle importance requiert la poésie pour vous ?    

 Dans l’Avant-propos de mon recueil de poèmes « La Poésie démeurt », je dis ceci : « La poésie reste un moyen immense d’expression. C’est pour moi un art. Anachorète ou cénobite, l’art poétique nous guide dans le plus profond de nous-même, de notre être, de nos rapports à la nature, la vie ou la mort. Faible ou fort, on est à la merci des mots. Et s’il fallait faire des mots source de vie, une force, quoi de mieux que la poésie ». La poésie est importante. D’autant plus qu’ici – en ce qui me concerne-, il ne s’agit pas d’écrire pour simplement écrire. Pour le plaisir de l’écriture. De faire de l’art pour l’art. A cet effet, en m’y mettant à la poésie, c’est-à-dire l’écriture rythmée et lamentée, plus que quiconque j’arrive à dégager mes émotions, mes sentiments. A parler, à noyer les peines aussi passagères sont-elles ou qui demeurent telle une plaie béante.      

Comment ce projet d’écriture s’est-il matérialisé ?  

De 2016 à 2021, j’écris de façon contiguë à l’aventure du jeune lycéen dûment « frais » qui rêve d’atteindre le sommet de la pyramide. Cette année, avec des conseils de personnes chères, je me suis lancé avec les Éditions Universitaires à concrétiser ce projet. Ils prennent le soin de mettre à dispositions des lecteurs de plateformes de vente l’ouvrage.  

De quoi est -il question dans ce recueil de poésie ?  

 Si l’on lit la quatrième de couverture, on ressasse les mots suivants : continent africain, de la patrie, des études de son auteur, de l’amour – ses contradictions, son dévouement et sa belle cruauté-, également de belles choses de la vie, et son épitaphe : la mort     Quels sont vos coups de cœur ?   J’en ai beaucoup, selon les divers domaines.

Mais s’agissant de la littérature, je suis plutôt auteur.e singulier.ière.  Dans mon pays, je suis discrètement le travail de certains. Je suis un admirateur de Ousmane Moussa qui a cassé les barrières entre les communautés par les mots. En France, Mallarmé, Ronsard, Du Bellay, Baudelaire, le « mec à l’absinthe », Maupassant, et d’autres grands classiques comme Marbeuf, Arthur Rimbaud, la grande Marguerite Yourcenar qui a reçu le prix Renée Vivien, autre grande poétesse ; Jacques Prévert, les deux Paul, Éluard et Verlaine, André Chedid, autrice de L’enfant multiple, Victor Hugo, Louis Aragon avec sa muse Elsa : Cantique à Elsa, Les Yeux d’Elsa, Elsa, Le Fou d’Elsa et Il ne m’est Paris que d’Elsa.

 Je n’ai pas connu durant mon cursus scolaire de grandes poétesses françaises à part Louise Labé parmi les classiques avec ses Œuvres Complètes dont un court extrait : « Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ».

Comme pour dire que la poésie aussi au fil du temps a eu sa dose de machisme, de sexisme. En dehors de la « franco-sphère », Janet Lewis m’épate. Senghor, aussi, séduit mais hélas temporairement car son parcours politique hante son art, son génie. On ne peut nullement lui imputer cette plume qui prodigieuse. Parmi celles et ceux de nos jours, je suis Amanda Gorman qui a fait une déclaration d’amour à la poésie lors de l’investiture de l’actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden ; Rupi Kaur, autrice de milk and honey qu’on a fait découvrir à travers ses poèmes courts ou petits poèmes. En Mauritanie, toujours est-il, nous avons des références : Mariem Derwich qui donne … des fourmis au cœur. Sa poésie est spéciale, Aichetou Ahmedou qui est une source d’inspiration, Bios Diallo qui a récemment publié La Saigne, et tant d’autres qui s’essaient et des « professionnels des mots ». Je ne connais pas tous les auteurs et autrices mais je parle de mes lectures.  

En tant que jeune parlez-vous aux jeunes dans ce recueil ?

  Non pas spécifiquement. Cet ouvrage s’adresse à tout le monde. Je ne suis partisan de l’idée que les jeunes forment un groupuscule dans une société et qu’il faudrait leur parler à côté. Je m’adresse à toute oreille attentive qui saura prêter main forte du scintillement des étoiles en passant par le puits de connaissance au clair-obscur.    

Quelles difficultés rencontrez-vous ?  

Je n’ai pas rencontré de difficultés particulières. J’ai envoyé à la maison d’édition qui demande une relecture ensuite nous avons conclu les échanges par un contrat pour l’édition de cet ouvrage.      

Pourquoi le prix de vente a été revu à la baisse par vous après de l’éditeur ?  

Ayant choisi Les Éditions Universitaires – Éditions La Muse, ils ont des tarifs standards pour l’édition des ouvrages. D’habitude, ce sont des thèses ou des ouvrages universitaires. J’ai jugé que 21.90 était exorbitant pour un recueil. L’éditeur, me semble-t-il, est « roi ». Nous sommes arrivés à fixer le prix à 16,90. Cela sera valable sur les sites de Ventes : Amazon, morebooks.shop…   D’ailleurs des maisons d’éditions françaises sont partantes pour rééditer et placer dans les librairies à prix bas et pour plus de visibilité, La Poésie démeurt, de la poésie philosophique. Je réfléchis à celle qui me conviendrait le mieux selon plusieurs approches. J’espère d’ici quelques temps avoir le format initial (Broché) et le livre en poche.  

Quel regard portez-vous sur le paysage littéraire de la Mauritanie ?  

 Je ne suis pas spécialiste de la littérature mauritanienne, ni étudiant en lettres. Ce vers quoi mon propos va tendre sera plutôt un avis. La littérature mauritanienne est comme un patient atteint de Covid-19. Les médecins veulent tout faire mais les conditions matérielles manquent. Je ne dirai pas qu’elle est moribonde mais je crains pour sa survie. Je parle de la littérature mauritanienne francophone abandonnée par les structures étatiques. La culture en Mauritanie est le cadet des soucis de nos dirigeants. En même temps, il ne faut pas attendre grand-chose de la part de décideurs qui arabisent une grande partie du programme scolaire et voient leur progéniture envahir les classes des lycées français et américains en Mauritanie.

Sans m’éloigner de la question, je rajouterai que de braves personnes avec l’appui des structures étrangères essaient cahin-caha, clopin-clopant de pérenniser jusque-là le travail mené. Je pense à mon professeur -même s’il s’agissait d’un laps de temps en 1ère S au Petit Centre, M’bouh Séta Diagana, à Mamadou Kalidou Ba et d’autres que j’ignore qui pérennise cette littérature par son enseignement de qualité. D’ailleurs, il faut voir leurs œuvres pour comprendre.

 Élément de la littérature mauritanienne francophone, Les remparts de l’espérance, et tant d’autres de ces deux professeurs habiletés à diriger des recherches pour penser à L’Espérance d’un certain Feu Cheikh Sadbou Kamara qui fut professeur émérite de sociologie. Beaucoup d’écrivains, en dehors de ces deux universitaires, font connaître la littérature mauritanienne d’expression française comme l’on dit en Mauritanie. Je pense à Mbarek Beyrouk avec qui j’ai échangé sur cette dernière longuement.  La jeunesse mauritanienne doit se munir de deux armes : Les lettres et la science.

Il nous les faut pour avoir nos littératures. Sans oublier l’anthologie d’auteurs et autrices mauritaniens.nnes est gage de succès. La question sera : quels étudiants pour porter la relève ? De même, des jeunes poètes en herbe sortent de tous parts. Ne sommes-nous pas au pays de millions de poètes?  

À quand la dédicace de ton recueil en Mauritanie ?  

Je ne sais pas encore. Ce qui est sûr après la reddition du recueil par une maison d’édition basée en France. Quant à l’acheminement du recueil, ce sera possible après transfert par voie maritimes, acquittement des frais de port pour une réception en bonne et due forme par une librairie de la place après réédition. Sauf mauvaise surprise car, il s’agit de la Mauritanie.

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