Aicha, la femme qui insuffle la vie en prison

17 mars 2016

Aicha, la femme qui insuffle la vie en prison

Une petite fille est adossée au mur d’une maison, elle chantonne, des promeneurs empruntent la ruelle, chacun vaque à ses occupations … la vie habituelle d’un quartier d’une ville mauritanienne. Personne ne semble prêter attention à cette maison couleur terre, située entre l’épicerie du coin et l’école. Rien ne la distingue des autres maisons du voisinage. Rien, hormis ses habitantes, des femmes que la société a condamné et que la vie a mené en prison.

Dans la cour, les gardes effectuent leurs rondes. Plus loin se tient, droite et fière, une jeune femme prénommée Aicha. Elle a la beauté de sa jeunesse, son regard est doux mais on peut lire dans ses yeux la détermination que requiert sa fonction. « Je ne fais rien d’extraordinaire, je ne fais que mon travail ! » dit-elle modestement avant de décrire la longue liste des activités qu’elle mène au profit des détenues. Dans une pièce rose qui respire la vie, décorée avec des personnages de Walt Disney peints à la main, au milieu de jeux pour enfants Aicha poursuit : « tous les matins, je reçois ici les détenues avec leurs enfants afin de vérifier leur état de santé, à la fois physique et psychique. La plupart d’entre elles ne possèdent rien, elles sont dépourvues de tout et comptent sur nous pour recevoir des couches et des biscuits ».

La présence d’Aicha au sein de cette maison carcérale pour femmes a considérablement changé la vie des détenues. « Les cours de sport leur font beaucoup de bien. Au début j’ai eu énormément de mal à les convaincre du bienfait de l’activité physique sur le moral, mais aujourd’hui elles participent toutes au cours de gym et demandent à ce que l’on mette la musique plus fort !». La vie dans la prison ne s’arrête pas là, Aicha multiplie les activités pour améliorer du mieux qu’elle peut le quotidien de ses protégées, « dès la semaine prochaine, je compte instituer, en plus des cours de couture qui existent déjà, un cours d’art plastique et de création de bijoux, je vais proposer aux femmes de réaliser des bracelets » poursuit-elle en sortant de son sac une dizaine de bracelets de toutes les couleurs qu’elle a réalisés elle-même. « L’essentiel, c’est de les tenir occupées, le temps est long ici, les conditions de vie sont extrêmement dures, elles vivent dans la précarité la plus totale».

Mauritanie ,Aicha ,assistante sociale/crédit photo Unicef
Aicha, assistante sociale en Mauritanie     (crédit : Unicef)

Aicha, émue, raconte l’histoire de ces femmes qu’elle connait toutes personnellement. « Elles sont toutes incarcérées pour Zina (1). Elles se retrouvent ici, enceintes, reniées par leur famille et exclues de la société. Les enfants naissent en prison. Heureusement le système les autorise à garder leurs enfants avec elles, mais leur vies est détruite». Elle poursuit et un sourire vient sitôt éclairer son visage : «ma plus grande fierté est de les voir sereines après une séance de discussion, la parole est essentielle, il est vital pour elles de pouvoir s’exprimer. C’est souvent difficile de les écouter, ce qu’elles me racontent est très dur, mais je sais combien ces échanges sont importants, cela me fait de tenir. Je reçois aussi le soutien de collègues qui comprennent mon engagement ». Aujourd’hui, la prison compte 24 femmes dont deux mineurs. « La condition des femmes dans nos pays est complexe mais, malgré tout, elle s’améliore. Lorsque j’étais enfant, jamais ma mère n’aurait imaginer travailler, à l’époque c’était impensable, mais moi, à 25 ans, je suis diplômée et je travaille sans difficulté. Mon rêve ? Peindre. Peindre mes émotions, ma joie, ma colère. J’ai une âme d’artiste».

Aicha est assistante sociale, son travail se fait dans le cadre d’un projet mis en œuvre par la fondation Noura, en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Ce projet vise à renforcer l’accès aux services sociaux pour les détenues mineurs et les femmes en fin de peine carcérale. Elles peuvent ainsi bénéficier de cours d’alphabétisation, elles ont aussi accès à un suivi psycho-social et à une réinsertion socio-économique. Ces actions viennent s’inscrire dans l’esprit de renforcement des efforts déjà fournis par la Direction des Affaires Pénitentiaires et des Affaires Pénales (DAPAP) et la Direction de la Protection Judiciaire de l’Enfant (DPJE).
L’UNICEF est un des principaux organismes d’aide humanitaire et de développement pour les enfants, elle s’efforce d’améliorer la vie des enfants et de leur famille. Les droits de l’enfant commencent par un hébergement sûr, une bonne nutrition et la protection contre les conflits ou les catastrophes naturelles. Les soins sont donnés dès le début de la vie, avec des soins prénatals pour une naissance en bonne santé, cela continue avec des soins de santé tout au long de l’enfance et un accès assuré à l’éducation. L’organisation est implantée partout dans le monde.

(1) La Zina désigne l’adultère dans la loi islamique. Les relations hors mariage sont considérées comme un crime contre le principe de filiation car les enfants naturels engendrent confusion et chaos dans les lignages familiaux.

Source: UNICEF

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Commentaires

Jean Hubert Bondo
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Un très bon billet. Félicitation